Une entreprise de biotechnologie spécialisée dans les thérapies ciblant la nécrose cellulaire, SeaBeLife*, a annoncé des résultats précliniques prometteurs pour son candidat-médicament SBL03, qui vise à traiter une des formes de dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA).
Ce gel ophtalmique, administré par voie topique** sous forme de goutte dans l’œil, pourrait transformer le traitement de l'atrophie géographique***, une forme avancée de DMLA sèche, en offrant une alternative non invasive aux injections intraoculaires.
Le candidat-médicament SBL03 de la société de biotechnologie française cible directement la nécrose des cellules rétiniennes, responsables de la perte de vision.
En effet, les études précliniques ont démontré la capacité de ce gel à pénétrer efficacement dans les tissus oculaires et à protéger la rétine contre la dégénérescence des cellules affectées par la pathologie, quelle qu'en soit la cause.
Les yeux traités avec SBL03 présentent après analyse une protection significative de l’intégrité structurelle et fonctionnelle de la rétine. Ces résultats encourageants ouvrent la voie à des études cliniques chez l'homme, prévues pour 2026.
« Comparé aux injections intravitréennes actuelles uniquement disponibles dans certains pays (États-Unis, Suisse...), le mode d’administration topique de SBL03 pourrait améliorer considérablement le confort et l’observance des patients pour cette pathologie chronique nécessitant un traitement à vie. Elle offrirait une alternative prometteuse qui pourrait transformer la prise en charge pour des patients actuellement sans option thérapeutique satisfaisante ou bien tolérée », explique dans un communiqué Morgane Rousselot, PDG et co-fondatrice de SeaBeLife.
Dans le même communiqué, Jean-François Korobelnik, professeur d'ophtalmologie, service d'ophtalmologie du CHU de Bordeaux déclare : « Les résultats précliniques obtenus avec SBL03 sont très prometteurs et ouvrent des perspectives inédites dans le traitement des pathologies dégénératives de la rétine. La combinaison d’une action ciblée et d’une administration topique en fait une solution particulièrement prometteuse pour préserver la vue et donc la qualité de vie des patients ».
*Créée en 2019 et installée à Roscoff (Bretagne), SeaBeLife est dirigée par Morgane Rousselot, PDG et co-fondatrice, docteure en biochimie de l’UPMC–CNRS–Station Biologique de Roscoff.
**Administration externe d'un médicament, sur une surface du corps telle que la peau ou les muqueuses pour traiter leurs maux.
***L'atrophie géographique est une forme avancée de dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), caractérisée par la détérioration progressive des cellules de la rétine dans la région centrale, ou macula. Elle entraîne une perte lente mais irréversible de la vision centrale. Actuellement, il n'existe pas de traitement curatif, mais des aides visuelles et une surveillance régulière peuvent aider à gérer la condition.
Auteur de l'article: la rédaction d' ACUITÉ le 20.02.2025
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Lancé il y a un peu plus de six mois, le projet Premyom – acronyme de Prise en charge et Ralentissement de l'Épidémie de Myopie par l’Optique Médicale – s’annonce comme une avancée majeure dans la lutte contre la myopie infantile. Ce programme de recherche et d’innovation s’inscrit dans une dynamique de personnalisation de la prise en charge. Il prévoit de mettre au point du matériel de mesure de précision pour pouvoir proposer des verres de freination adaptés à chaque enfant.
À l'occasion du Congrès de la Société française d'ophtalmologie (SFO) qui s'est déroulé du 10 au 12 mai 2025, Acuite.fr a demandé à Thierry Villette, directeur du projet Premyom de nous parler des ambitions de ce partenariat public - privé.
Soutenu par le plan France 2030 et l’État français, Premyom va s'étaler sur cinq années, mobilisant 55 experts issus de six sociétés partenaires, regroupés autour d’un consortium mené par le groupe EssilorLuxottica. Ce partenariat réunit des acteurs académiques, médicaux, et industriels, tous engagés dans une démarche pluridisciplinaire et holistique, mêlant modélisation, biologie, technologies optiques et innovation clinique.
« L’ambition centrale du projet est de faire entrer la correction de la myopie dans une nouvelle ère », nous explique Thierry Villette, directeur du projet Premyom, directeur des partenariats et de la diffusion scientifique chez EssilorLuxottica R&D. « En s'appuyant sur les dernières avancées scientifiques pour comprendre, anticiper et freiner l’évolution de la myopie chez l’enfant, Premyom s’attaque notamment à la création de jumeaux numériques de l’œil myope, à partir de modèles combinant biologie rétinienne, biomécanique oculaire et dynamiques visuelles ».
Grâce à ces modèles, il sera possible de concevoir des verres de freination personnalisés, sélectionnés parmi plusieurs designs, selon les données spécifiques à chaque enfant : mesures oculaires classiques mais aussi nouveaux biomarqueurs biologiques, mode de vie, antécédents familiaux, etc.
Une partie essentielle du projet repose sur la constitution de bases de données cliniques massives chez des enfants occidentaux, afin de combler le manque de données comparatives avec les cohortes asiatiques. Parallèlement, une douzaine d’études cliniques seront menées avec la Fondation Rothschild, incluant :
Au-delà de la recherche, Premyom vise des applications concrètes. Il en résultera des verres ophtalmiques innovants et personnalisés, mais aussi des instruments cliniques intégrant les nouveaux biomarqueurs, permettant un suivi affiné du parcours myopique de l’enfant. Ces dispositifs, pensés aussi bien pour les professionnels de santé que les opticiens, intégreront une dimension pédagogique, facilitant la compréhension et l’adhésion des familles à la prise en charge.
Le projet Premyom incarne une nouvelle approche de la santé visuelle, alliant haute technologie, données cliniques de pointe et personnalisation médicale. Face à une épidémie silencieuse mais croissante, il propose une réponse scientifique ambitieuse aux enjeux du XXIe siècle.
Auteur de l'article: la rédaction d' ACUITÉ le 16.05.2025
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Article 3: Thérapie génique : l'ophtalmologie à la pointe de la recherche.
Immenses sont les promesses de la thérapie génique, technique révolutionnaire permettant de traiter ou prévenir certaines maladies par la modification des gènes du patient. Si elle reste aujourd’hui en plein développement, cette nouvelle approche de la maladie est à même, dans les dix ans qui viennent, de transformer radicalement tout ce que nous pensions savoir en matière de santé et de traitements, particulièrement pour l’ensemble des pathologies héréditaires (y compris la myopie). Après identification du gène défectueux ou absent, il faut concevoir un mode de transport afin d’acheminer le matériel génétique dans les cellules. Il s’agit le plus souvent d’un virus modifié pour être inoffensif, comme un adénovirus. Il est alors possible de réparer directement l’ADN du patient, remplacer le gène cible ou encore ajouter un gène manquant. Le vecteur peut être injecté in vivo, directement dans le corps du patient, ou in vitro, à partir de cellules modifiées en laboratoire puis réinjectées ensuite dans l’organisme. Si le mécanisme des maladies génétiques est bien compris et les gènes en cause bien identifiés, en revanche leur « réparation » s’avère plus délicate dans sa mise en œuvre.
L’ophtalmologie s’avère à l’avant-garde de la recherche en thérapie génique, principalement en raison de quatre facteurs clefs :
Alors que la thérapie génique est pratiquement à l’arrêt dans certains domaines comme la neurologie, l’œil constitue donc un terrain favorable. C’est ainsi qu’on peut par exemple plus facilement mesurer l’activité des cellules. Et comme c’est un organe double, il est aussi plus facile de contrôler les bénéfices par rapport à l’autre œil. 70% des pathologies se concentrent sur les photorécepteurs ; cônes (vision diurne, couleurs et haute acuité) et bâtonnets (vision de nuit).
La médecine ophtalmologique doit faire face aujourd’hui à une augmentation des maladies de la rétine : cause héréditaire, complications du diabète, DMLA . 8% des Français sont atteints, ce qui en fait la première cause de malvoyance après 50 ans. Après 90 ans, la DMLA concerne un Français sur 3. Avec l’allongement de l’espérance de vie et le poids démographique des personnes âgées, ces recherches sont, sur le plan sanitaire comme sur le plan social, de toute première importance.
La première thérapie génique approuvée pour une indication oculaire date de 2017 (Luxturna). Mais rien depuis. Les difficultés restent nombreuses : augmenter l’efficacité d’adressage ; réduire les effets secondaires ; augmenter les rendements et la qualité des productions de lots ; réduire le coût des traitements.
L’Institut de la Vision, associé à l’hôpital des Quinze-Vingts, est le plus grand centre de recherche ophtalmologique d’Europe. Il a été fondé à Paris en 2009 par le professeur José-Alain Sahel. Début avril, il annonçait, conjointement à ses partenaires WhiteLab Genomics (spécialiste de l’IA en médecine génomique) et ADLIN Science (environnement de recherche numérique décentralisé), une étape fondamentale dans l’évolution de ces techniques de thérapie génique, moins d’un an après son lancement. Le consortium GEAR (Gene Therapy Evaluation for the retina using AAV and AI-based Rational design) est en effet parvenu à identifier les cibles cellulaires précises (« récepteurs ») permettant d’optimiser la livraison de gènes thérapeutiques directement dans les cellules rétiniennes malades.
Cette identification des « portes d’entrée » des cellules rétiniennes constitue le premier jalon scientifique décisif. Grâce à une combinaison d’expertises en biologie, data et intelligence artificielle, les équipes du consortium ont pu cartographier les récepteurs présents à la surface des cellules de la rétine ; soit autant de protéines clés qui serviront de « serrures » pour guider les vecteurs viraux vers leur cible. Quatre récepteurs ont été ainsi identifiés, et l’un d’eux a été sélectionné pour la conception des prochains vecteurs viraux (AAV) thérapeutiques. Selon Deniz Dalkara, directrice de recherche à l’Institut de la Vision, spécialiste des vecteurs viraux pour la thérapie génique, « il s’agit d’une étape cruciale qui ouvre la voie à la création de bibliothèques de vecteurs AAV optimisés et à leur validation in vivo dans les tout prochains mois ».
Auteur de l'article: L’ESSENTIEL DE L’OPTIQUE • N°275 • MAI 2025